SOCSA International
Note confidentielle aux responsables ayant accès à des renseignements confidentiels de l'entreprise au sujet des rapports de travail avec les citoyens de @Notre entreprise, comme toutes celles qui ont eu des contrats avec des citoyens de @ (ou avec des firmes de @) s'est trouvée dans de graves difficultés concernant tout ce qui a trait à la propriété intellectuelle. Chacun sait en effet que @ ne respecte pas les lois internationales concernant cette forme de propriété, et à vrai dire n'adhère pas du tout à toutes les conventions à ce sujet. On connaît la position de leur législation à cet égard : il n'y a tout simplement aucune propriété intellectuelle selon leur loi, et ils ne reconnaissent que les droits moraux des auteurs sur leur œuvre, sans aucune propriété marchande ou commerciale. Inutile de rappeler que cela signifie que, selon leur loi, toutes les productions intellectuelles, scientifiques, techniques, artistiques ou autres sont libres. C'est-à-dire qu'elles peuvent être diffusées gratuitement et que personne ne peut prétendre imposer un prix ou une taxe sur leur utilisation. Seule l'usurpation est interdite, c'est-à-dire la présentation sous son propre nom, ou celui d'un autre, de l'œuvre d'autrui, y compris la présentation d'une forme non acceptée par l'auteur de son œuvre sous son propre nom. Telle est la situation juridique en @. On voit qu'elle supprime notamment toute reconnaissance des brevets. Nous ne reviendrons pas ici sur les innombrables débats au sujet des préjudices considérables que cette politique de @ fait subir à l'ensemble du marché mondial, et sur les nombreuses mesures de rétorsion prises à l'encontre de ce pays. Il s'agit ici de fixer notre politique non pas en ce qui concerne ce qui se passe en @, mais au sujet de nos rapports avec les ressortissants de @ qui, chez eux ou dans d'autres pays, collaborent avec nous. Il est déjà grave que, notamment, nos brevets ne soient pas respectés en @, mais il l'est encore davantage que nos secrets puissent être divulgués impunément dans ce pays, et par là, dans le monde entier, lorsque des ressortissants de @ en ont eu connaissance. Nos cadres concernés par ce problème ne se rendent souvent pas compte de sa difficulté, et ils croient pouvoir le régler comme on le fait d'habitude avec les employés ou autres contractants qui ont pour leur travail ou d'autres raisons à être mis au courant de certains de nos secrets. On peut bien dans ce cas lier des chercheurs par exemple par des contrats par lesquels ils s'engagent à ne pas divulguer ce qu'ils ont appris dans leur travail à notre service, et les attaquer devant les tribunaux s'ils brisent leur contrat. Ce moyen n'est pas utilisable pour les ressortissants de @, même s'ils habitent hors de leur pays. En effet, tant qu'ils habitent hors de @, ils sont sous la juridiction du pays où ils résident, et ils sont donc tenus comme tous les autres à respecter les contrats qu'ils signent. Par contre, dès qu'ils retournent dans leur pays, ils se trouvent libérés de ces obligations, et ils peuvent divulguer tous les secrets dont ils ont connaissance, sans que nous n'ayons plus la possibilité de recourir aux tribunaux, qui ne reconnaîtraient pas chez eux nos droits. C'est une situation que nous connaissons bien, parce qu'elle est fréquente. Il faut éviter de s'y mettre. Une solution consiste à traiter le secret comme distinct de la propriété intellectuelle. La promesse de garder un secret n'est pas équivalente à celle de ne pas utiliser des connaissances acquises sans rompre de promesse de secret. Et la législation de @ reconnaît comme les nôtres la protection du secret, lorsqu'il a été légalement promis, comme c'est généralement le cas pour les médecins, et, chez nous, pour les avocats (une profession qui n'existe pas chez eux). La rupture d'une telle promesse de secret peut donc être attaquée également devant leurs tribunaux. On aurait tort toutefois de conclure qu'il suffit d'introduire dans les contrats avec les ressortissants de @ de telles promesses de garder les secrets de l'entreprise en tout domaine, parce que, l'expérience nous l'a abondamment prouvé, ces mesures sont inefficaces dans de nombreux cas. Car de la même façon que le secret médical peut être levé lorsque des intérêts supérieurs sont en jeu, les secrets d'entreprise peuvent l'être aussi pour des raisons semblables. Et ces raisons ne sont pas toujours celles que nous jugerions raisonnables dans nos pays. Il ne faut pas oublier qu'en @ la protection des activités commerciales et industrielles n'a pas le même rang que chez nous, où elle a un poids très élevé. On la place bien plus bas, et les intérêts économiques sont souvent sacrifiés à d'autres, que nous jugeons inférieurs. Il est donc très difficile, au moment où nous établissons un contrat, d'estimer si la promesse de secret sera prise aussi au sérieux que nous le voudrions et que nous jugeons qu'elle devrait l'être. Peut-être, chez lui, notre partenaire de @ aura-t-il toutes sortes de raisons, que nous jugerions insuffisantes, mais que les tribunaux reconnaîtront comme légitimes en @, de divulguer impunément nos secrets. Il y a même pire. Dans beaucoup de situations, non seulement un habitant de @ aura le droit de divulguer des choses qu'il avait promis de garder secrètes, mais la loi l'obligera à le faire. Lorsque quelqu'un détient notoirement des secrets jugés importants pour le bien commun, il est légalement tenu de les révéler, et sinon, il se sent moralement obligé de le faire. Quand on s'est délivré des préjugés les plus communs, comme les affaires l'exigent dans un monde multiculturel, et qu'on a dû fréquenter les @ dans plusieurs départements de notre entreprise, il faut avouer qu'on sait, en toute bonne foi, que les citoyens de @ sont très scrupuleux à tenir strictement leur parole, ce qui est l'un des points essentiels de leur morale de l'honneur. Et connaissant ce trait de leur caractère, en général ou dans les individus concernés, plusieurs fois on a cru pouvoir leur confier des secrets en leur faisant promettre par contrat de ne pas les divulguer. Cette manière de faire s'est révélée pour le moins insuffisante. Premièrement, on tend à oublier une distinction qui n'existe pas chez nous. Tous les ressortissants, et même les ressortissants reconnus comme adultes, ne sont pas pour autant des citoyens en @. Or les adultes non citoyens sont ou bien ceux qui n'ont pas encore passé les épreuves leur ouvrant le statut de citoyen, ou bien ceux qui y ont échoué pour diverses raisons. Et parmi ces raisons, il faut compter les défaillances morales, y compris la tendance à ne pas tenir parole. Ceux qui croient pouvoir se fier à la réputation de fiabilité des citoyens de @ pour l'étendre à tous les ressortissants de ce pays font donc erreur. Et il arrive que des personnes très intelligentes et utiles pour nous dans les domaines qui nous intéressent, aient justement échoué à devenir citoyens à cause d'une défaillance, parfois grave, dans leur sens de l'honneur. Pour cette raison, il est très important de savoir si un ressortissant de @ en est également citoyen ou non, et il faut en tenir grand compte dans tous les contrats où il faut se fier à ce sens de l'honneur, comme dans ceux dans lesquels il s'agit de garder des secrets. Deuxièmement, il faut garder à l'esprit que le plus honnête des citoyens de @ pourra rompre sans remords son contrat si les lois de son pays le lui demandent. Heureusement, lorsque nous avons affaire véritablement à un citoyen, il n'est pas nécessaire de savoir quels secrets pourront véritablement être gardés, même en @, ce qui serait très difficile, tant le sens des obligations diffère entre eux et nous. Le mieux est de leur en parler ouvertement. Ils sauront vous dire si les secrets que nous exigeons d'eux devront ou non être divulgués dans leur pays, et quelles probabilités il y a qu'ils puissent ou doivent l'être. Ils vous diront sans ambages par exemple que, tant qu'ils séjourneront hors de chez eux, ils se plieront entièrement à la législation en vigueur dans leur pays de résidence, mais qu'ils feront de même dans d'autres pays et dans leur patrie, et que donc des secrets qu'ils garderont scrupuleusement parmi nous, ils n'hésiteront pas à les divulguer chez eux si la loi ou la morale le leur demande. Si vous n'en parlez pas avec eux, vous ne verrez donc pas la situation telle qu'ils se la représentent eux-mêmes, et vous risquez de ne pas prendre les bonnes décisions. Même en prenant toutes les précautions, on voit bien que nos secrets risquent d'être divulgués en @ même lorsqu'ils auront été confiés aux citoyens les plus rigoureux de ce pays. Il faut donc bien calculer l'importance des risques d'une telle divulgation. Idéalement, il faudrait éviter simplement de confier à des ressortissants de @ des secrets importants, et choisir pour les travaux qui les impliquent des ressortissants d'autres nationalités, tenus par les lois de leur pays à les respecter. Partout où cela est possible, c'est la politique à choisir. Malheureusement, elle n'est pas toujours applicable, et même elle ne l'est pas souvent. C'est la politique que nous avons appliquée longtemps, et nous avons dû constater peu à peu que c'était à notre détriment face aux entreprises qui n'hésitaient pas à profiter de leurs compétences, même au risque de voir devenir publics certains de leurs secrets. Il a donc fallu, bien malgré nous, mettre de côté certains préjugés et les solutions trop simples que l'expérience nous a montrées nuisibles pour notre développement. En effet, les travaux pour lesquels nous apprécions tout particulièrement les personnes formées en @ sont ceux qui impliquent l'accès à des informations secrètes de notre entreprise. C'est le cas par exemple en recherche, où ils jouent souvent un rôle important, voire décisif. Et c'est précisément aussi l'un des secteurs où les secrets sont très sensibles pour nous et où, au contraire, il y a de fortes chances qu'ils soient jugés en @ d'une grande importance pour le bien de tous. En dramatisant (et peut-être ne peut-on pas le faire assez), il faut dire que nous sommes pris dans le dilemme suivant : ou bien jouir des excellentes capacités en recherche et ailleurs des ressortissants de @, mais en perdre la propriété, ou bien nous passer d'eux et perdre l'avantage très précieux de leur collaboration au profit de nos concurrents. Les deux solutions sont mauvaises. Il faut donc trouver un moyen terme. Premièrement, partout où l'avantage de la collaboration d'un ressortissant de @ n'est pas évident, et où elle impliquerait qu'on lui confie des secrets, il vaut mieux y renoncer. Deuxièmement, là où l'avantage est net, il faut évaluer l'importance des secrets à lui confier, et se limiter si possible à ceux dont le risque de divulgation est ou bien moindre ou bien moins grave pour nous. Troisièmement, dans les cas où les secrets sont importants et où le recours à des ressortissants de @ est très avantageux ou indispensable, il convient d'examiner très sérieusement la situation, et de faire remonter la décision aux plus hauts degrés de notre hiérarchie. On le voit, il n'y a pas de solution nette, et c'est pourquoi nous ne pouvons donner une procédure claire, consistant en un ensemble de règles à suivre, même avec quelque souplesse. Il fallait donc procéder à une certaine sensibilisation au problème et se fier au bon jugement de nos cadres et employés concernés, en leur conseillant fortement la prudence, et en leur recommandant dans ces cas de ne pas hésiter à demander conseil à leurs supérieurs. Une nouvelle commission a pris ce problème en mains et nous attendons les résultats de ses études et délibérations. Dans le même esprit de la sensibilisation à ces questions, il faut au moins signaler un problème similaire que nous pose également l'existence d'un pays déviant sur le marché, comme @, ainsi que d'autres qui, pour compliquer la situation, se mettent à l'imiter sur plusieurs points. Malheureusement, tout ce que nous avons dit de la collaboration avec les ressortissants de @ à propos des cas où nos secrets sont en jeu, il faut en somme, en toute rigueur, le répéter à propos de tous nos employés et partenaires qui pourraient déménager et aller vivre en @. En fait, peu iront, mais c'est presque tout le monde qu'on peut en suspecter. Ceci dit non pas pour vous effrayer, mais, encore une fois, pour vous inciter à l'extrême prudence.
Décision du comité de confidentialitéCe projet de note a été jugé comme juste dans son argumentation, mais comme risquant dans la formulation actuelle de troubler les esprits de nos collaborateurs. Le comité le retravaillera pour tenter de lui donner la forme de directives plus simples et mieux définies. |