Guide du touriste en @




Connaître les lois

Lorsque vous préparez un voyage en @, il faut penser à plusieurs choses qui n'ont pas la même importance quand vous allez dans d'autres pays. C'est le cas de la connaissance des lois, je veux dire de celles du pays où vous envisagez de vous rendre. D'habitude, on pourra se contenter de prendre connaissance de quelques avertissements : dans tel pays, il est interdit de manger telle ou telle nourriture, de s'habiller de telle manière, de dire ouvertement du mal du gouvernement, de prendre des drogues, et ainsi de suite. Il est certainement souvent très important de le savoir et d'en tenir compte pour éviter les pires ennuis, et vous pouvez compter sur votre guide pour vous donner ces quelques avertissements indispensables. Mais à part cela, vous n'avez pas à apprendre les lois du pays. Vous vous doutez qu'il faudra être prudent, parce que vous ne les connaissez pas et que vous pourriez vous trouver en infraction à votre insu. Mais vous n'avez pas trop à vous en soucier, parce qu'il est bien connu que les habitants du pays ne connaissent pas non plus leurs lois, et vous-même, cela va de soi, vous ne connaissez pas davantage autrement que très superficiellement celles de votre propre pays. On a l'habitude de se débrouiller ainsi, et avec un peu de bon sens, en évitant de se faire remarquer, on peut espérer ne pas entrer en conflit avec la justice. Et sinon, c'était vraiment juste un manque de chance. Alors, il reste à espérer que l'excuse de votre ignorance vous permettra d'être ou pardonné ou châtié bien moins sévèrement. Si vous ajoutez que vous êtes un étranger, votre ignorance paraîtra d'autant plus naturelle, et vous vous en tirerez peut-être même mieux que chez vous. De toute manière, même si vous étiez juriste, il y a tant de lois que vous ne connaîtriez pas !

Oubliez cette sorte de sagesse pratique commune si vous voulez aller en @. On y prend tout à fait au sérieux le principe que nul n'est censé ignorer la loi. Alors, si vous l'enfreignez et que vous prétendez l'avoir fait par ignorance, au lieu d'avoir donné une excuse comme vous le croyez, vous aurez avoué un grave crime. Bref, trouvez plutôt toute autre excuse, comme une inattention, le désir de faire du bien malgré l'obstacle de la loi, un élan de pétulance irrésistible qui vous a entraîné plus loin que vous n'auriez voulu, bref, tout sauf l'ignorance de la loi, qui signifie son mépris, et une injure à l'autorité de l'État. Mieux, résolvez-vous à faire ce qu'il faut, et apprenez consciencieusement les lois du pays avant de partir. Mais, protesterez-vous, il n'est pas question que je me mette à faire des études juridiques durant des années juste pour aller faire un petit séjour dans ce pays bien bizarre ! Calmez-vous. L'entreprise n'est pas si gigantesque. Vous vous faites une idée de la quantité des lois à connaître à partir du système juridique de votre propre pays, alors que l'ensemble des lois de @ est bien plus restreint. Et vous pourrez même le trouver facilement. Il y a en librairie de petits fascicules en toutes les langues qui les rendent accessibles en entier, et elles sont disponibles sur Internet. Pour que vous n'ayez vraiment pas à chercher, je vous donnerai les références ci-dessous. On peut obtenir aussi le recueil des lois à la douane, mais il est alors un peu tard pour en prendre connaissance, sauf si vous avez oublié de vous préparer et que vous vous trouvez alors dans l'extrémité de devoir faire votre étude rapidement sur place, ce qui vaut infiniment mieux quand même que de négliger ce point très important.

Comme je vous entends déjà protester que ce pays impossible ne manque pas une occasion de faire autrement que les autres pour chicaner les braves gens, je vais tenter d’apaiser votre colère en vous indiquant les raisons que les @ donnent de cette exigence. Les lois, disent-ils (avec les meilleurs philosophes, paraît-il), ne sont des lois que si elles sont connues de ceux qui ont à les observer ; sinon elles sont nulles comme un commandement que les personnes visées n'auraient pas entendu. Et, à la réflexion, il me semble que cette remarque a du sens, car comment respecterais-je une loi que je ne connais pas ? C'est impossible, vous êtes d'accord, n'est-ce pas. Et les lois sont faites pour être respectées. Oh, je vous entends encore objecter que chez nous, nous vivons fort bien sans connaître les lois, et qu'il est tellement plus agréable de laisser cette tâche aux spécialistes, qu'on pourra consulter au besoin. Vous pensez qu'il suffit de se fier à son bon sens. Oui, mais (ce n'est pas moi qui vous réponds, mais les @) pourquoi alors édicter toutes ces lois qui remplissent des volumes ? Pour clarifier les rapports juridiques lors des procès, penserez-vous peut-être. Alors les @ nous répondent qu'il ne faut pas attendre les procès pour savoir comment on aurait dû se comporter, mais se conduire comme il faut pour éviter le procès. Cela me paraît assez juste aussi. Et d'autre part (c'est eux qui parlent toujours) est-il juste de condamner quelqu'un au nom d'une loi qu'il ne connaît pas et qu'on ne lui demande pas de connaître ? En somme, notre système (ajoutent-ils) est hypocrite : on vous traite comme si vous connaissiez la loi, alors qu'on suppose au contraire que, en réalité, vous ne la connaissez pas et ne pourriez pas même la connaître, tant elle déborde vos capacités. C'est pourquoi les @ à la fois exigent la connaissance de la loi et la rendent aussi facile à apprendre que possible, en la faisant claire et brève, comme vous pourrez l'apprécier en l'étudiant pour préparer votre voyage.

Ultime excuse, mauvaise excuse : vous dites que vous ne resterez pas longtemps en @, et qu'il n'est donc pas important pour ce court laps de temps, que vous appreniez leurs lois. Il suffit d'énoncer cette excuse pour que vous en découvriez l'extrême faiblesse. Sinon, une petite scène vous suffira. Imaginez un étranger se promenant chez nous et giflant les enfants à droite et à gauche (ou faisant quelque chose de pire), qui se justifierait en disant qu'il n'est que de passage et qu'il est donc inutile qu'il s'efforce d'agir autrement que chez lui.

Pour moi, je n'ai qu'une crainte, c'est que vous preniez tant de plaisir à l'étude des lois de @ que vous ne finissiez par vous retourner contre votre propre pays, qui n'est pas capable de clarifier si bien votre situation juridique. Mais n'ajoutons pas à la colère du départ, que j'ai tenté de calmer, celle du retour, qui ne me concerne plus.