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AnalysesQuotidien de réflexion au cours des événements
Qui a le droit d'immigrer en @Encore une fois, la presse de la vieille civilisation se déchaîne contre nous, les gouvernements s'agitent et nous condamnent, envisageant de nous faire la guerre, les autres formes de sanctions par lesquelles ils font plier les peuples dissidents ne fonctionnant pas contre nous. Incapables de gérer les problèmes d'immigration qu'ils ont provoqués eux-mêmes par leurs guerres contre les supposés dictateurs, ils se cherchent des boucs émissaires et s'acharnent sur nous. On nous reproche les pires choses, en se fondant sur des fictions et des mensonges grossiers. Mais tout cela est habituel, il est vrai. D'abord rétablissons les faits. Dans l'afflux migratoire dû aux guerres conduites par les pays de l'Otan, nous avons continué à mener notre même politique de prudence dans le traitement de l'immigration chez nous. Les personnes qui se présentent à nos frontières en se disant réfugiées sont toutes envoyées au poste frontière de la ville des réfugiés, Salvé, où l'on examine leur cas. Seuls sont acceptés ceux qui peuvent montrer qu'ils sont menacés dans leur pays, non pas généralement, comme dans toute guerre, mais parce qu'ils sont visés plus particulièrement. Les autres sont refusés et doivent rester dans le pays dont ils viennent ou se trouver un accueil ailleurs. Quant à ceux qui sont acceptés comme réfugiés, ils sont logés dans la ville qui leur est consacrée, pour un temps seulement, jusqu'à ce que la menace qu'ils fuyaient ait disparu ou se soit suffisamment atténuée. A ce moment ils sont reconduits chez eux ou ailleurs si un autre pays leur offre l'accueil. Il est vrai que durant le moment où ils vivent dans cette ville, ils n'ont pas le droit de franchir le périmètre, tout de même assez vaste, du territoire qui lui appartient. Et, indépendamment de sa durée, leur séjour à Salvé ne leur donne aucun droit de s'établir en @. Il est considéré comme essentiellement provisoire. Il est donc faux que nous refusions systématiquement les réfugiés. Il est faux aussi que nous les placions dans un camp. Il est faux que nous les exploitions. Il est faux que nous les traitions comme s'ils étaient moins que des hommes. En vérité, si, malgré la réputation de grande sévérité dans la sélection des réfugiés qui s'est largement répandue, beaucoup se présentent, c'est parce qu'ils ont aussi entendu vanter la façon dont nous les recevons, souvent par d'anciens réfugiés retournés chez eux. Il y a une grande différence entre un camp et la ville où ils vivent. Et ce n'est certainement pas une prison, parce qu'ils sont toujours libres d'en sortir, même si c'est en quittant @ et non en venant dans le reste du pays. La vie à Salvé est semblable à celle qu'on mène dans des villes normales. On y travaille et s'y divertit. On y fréquente les gens qu'on veut, ou se retire chez soi. On s'y éduque et on s'y occupe même de politique. Bref, on est très loin de l'image que la propagande de nos ennemis voudrait en donner. On nous reproche souvent, de l'extérieur, notre souci d'autonomie et la limitation correspondante des échanges avec les autres pays. La ville des réfugiés ressemble en ce sens à l'ensemble du pays, en tant qu'elle forme, dans la mesure du possible, avec les territoires dépendants, une sorte de petit pays relativement autonome. Cette ville se nourrit principalement elle-même, par la culture des terres de sa circonscription. Et ce sont principalement des réfugiés qui les cultivent et en vendent les produits dans les marchés de la ville. La grande partie des vêtements, les souliers, les vélos, les meubles, etc., y sont également produits dans des ateliers modernes, où travaillent les habitants de Salvé, c'est-à-dire toujours les réfugiés eux-mêmes. C'est eux également qui réparent ou construisent les maisons. C'est eux qui travaillent dans les hôpitaux de la ville ou travaillent comme médecins indépendants. Ils y conduisent les bus, enseignent dans les écoles, y tiennent les restaurants et les petits magasins. Partout ils sont occupés à entretenir la vie de la ville. Et ils participent à son administration. Ils forment un conseil des habitants qui donne des conseils à l'administration, dirigée, elle, par des citoyens de @. Il y a dans cette ville une certaine atmosphère de chez nous, quoique, par plusieurs traits, elle diffère passablement de notre pays. D'abord, elle ne constitue pas une démocratie, parce que les éléments de démocratie qu'on y trouve, comme le conseil, sont subordonnés au pouvoir de notre administration. Un des aspects frappants pour nous, c'est la présence d'enfants dans les rues. Ils sont arrivés avec leurs parents et restent avec eux, car les familles qui n'ont pas d'existence dans le reste du pays, sont tolérées là. On s'est d'ailleurs scandalisé à l'étranger d'apprendre que, malgré cette tolérance, les parents ne conservent pas un entier pouvoir sur leurs enfants. L'école y est obligatoire, et elle ne se limite pas à l'apprentissage des savoirs théoriques ordinaires, mais elle forme à toute sorte d'activités pratiques, si bien que les enfants y passent toute la journée. Si des réfugiés peuvent être chargés de certains enseignements traditionnels, arithmétique, apprentissage de la lecture et de l'écriture, sciences de la nature, ce sont des citoyens de @, souvent des stagiaires, qui prennent en charge la plus grande et la plus importante part de l'enseignement. Les adultes sont d'ailleurs invités à suivre des cours également. Nos citoyens ont aussi la responsabilité exclusive de plusieurs fonctions, comme l'administration, la justice et la police. Souvent les jeunes demandent à faire des stages dans cette ville, qui est pour eux un lieu privilégié de premier contact dans la réalité quotidienne avec les cultures étrangères. Nous avons donc choisi de recevoir très bien un nombre limité (quoique non insignifiant) de réfugiés, plutôt que de mettre dans des camps, serrés comme du bétail, des foules de misérables. Nos adversaires comptent le nombre de refusés et nous accusent d'inhumanité. Il faut croire que leur sensibilité est très différente de la nôtre, car c'est la vie de misère indigne dans laquelle ils ont poussé et maintiennent ces masses humaines qui nous fait horreur. Mais le scandale vient surtout d'autre chose, de notre refus de recevoir simplement les immigrants, réfugiés ou non, comme doués de droits semblables à ceux de nos citoyens. Nous discriminons les étrangers, dit-on, et nous avons une idéologie raciste, selon laquelle nous aurions une nature supérieure à celle des autres hommes et nous efforcerions de la garder pure en refusant tout mélange avec les autres. Voilà une représentation très déformée de notre conception. Si nous refusons l'égalité des droits entre tous les hommes, ce n'est pas en consultant la simple nature. Quelles que soient les différences naturelles effectives entre les hommes, nous sommes au contraire persuadés que cette espèce animale se caractérise principalement par sa capacité de se perfectionner, et cela principalement par une sorte de formation qui est celle de la culture. Cela signifie que l'homme est beaucoup moins dépendant de la pure nature, si l'on peut dire, que les autres animaux. Cela signifie donc aussi que l'éducation des hommes est une véritable formation, par laquelle ils acquièrent des qualités nouvelles très différentes de celles qu'ils auraient sans elle. Or nous ne nous soucierions pas tant de cette éducation si nous n'étions pas persuadés que la nouvelle nature qu'elle nous forme, en quelque sorte, n'était pas supérieure à celle d'hommes laissés sans éducation. Nous pensons également que la véritable formation ne peut se satisfaire de l'apprentissage de savoirs confiés pour l'essentiel à la mémoire verbale. Elle implique au contraire un entraînement physique et moral aussi bien qu'intellectuel, qui exige d'être entrepris dès l'enfance. On sait bien par exemple que pour former toute sorte de sportifs, il faut s'y prendre très tôt, et qu'après un certain âge, on ne peut plus y atteindre que des résultats médiocres. C'est encore plus vrai pour la formation d'un homme complet. Et une bonne éducation se manifeste par le fait que ceux qui en ont bénéficié ont réellement atteint un degré supérieur de perfectionnement humain. Ce n'est pas notre race (nous sommes de races bien diverses, biologiquement) qui fait notre supériorité, mais bien notre culture. Et c'est pourquoi nous y tenons, nous la travaillons, nous la protégeons autant que nous le pouvons. Et voilà la principale raison de notre exigence d'autonomie politique. Il faut que notre culture trouve le moyen de se reproduire et de progresser à partir d'elle-même, en se confiant à la direction de ce qu'elle produit de meilleur chez nous. Parce que la culture est acquise, nous savons qu'elle peut aussi dégénérer, et nous prenons des mesures pour que cela n'arrive pas. L'une d'entre elles est cette prudence dans l'intégration d'éléments étrangers à elle parmi nous qu'on nous reproche faussement sous l'accusation de racisme. Cette prudence paraîtra à beaucoup être une fermeture, comme si nous voulions rester dans nos traditions sans risquer de les voir remises en question. Ce reproche ne tient pas compte du fait que nous affirmons au contraire le pouvoir de la culture, dans son sens dynamique, reposant sur la confiance dans la capacité qu'ont les hommes de se perfectionner. Or une telle culture suppose la recherche constante, et par conséquent aussi la critique. Ce qui ne signifie pas que la critique ne soit pas à son tour, du moins quand elle est devenue un art, une culture. Et elle est essentielle chez nous. Mais revenons au thème plus restreint du refus d'une immigration non contrôlée, c'est-à-dire le refus d'une immigration conçue selon l'idée inverse de la nôtre que tous les hommes sont égaux, et que par conséquent leurs différences culturelles ne comptent pas vraiment. Cette conception réduit en réalité les cultures à des sortes de folklores superficiels dont on pourrait se séparer sans inconvénient majeur, et qu'on ne conserve en somme que par nostalgie et peur de quitter ses habitudes. Ce qu'on nous oppose, c'est en réalité une culture de la vision neutre de toutes les cultures, comme superficielles. Il suffit d'un peu d'attention pour remarquer que cette idée est contradictoire et autodestructrice. A la limite, elle correspond à la volonté de ramener simplement tous les hommes à leur pure nature originaire, supposée former justement le socle identique en tous. Bref, c'est à nos yeux le choix de la barbarie. Comme une culture ne vit que par ceux qu'elle a cultivés et, lorsqu'il s'agit d'une culture dynamique, de ceux qui la cultivent en retour, la sélection de ceux qui forment une telle société cultivée est essentielle et doit avoir lieu justement en fonction de leur culture de leur capacité de participer à celle de notre société. Voilà pour l'aspect de « fermeture ». Maintenant, ce souci de notre culture conduit-il à l'indifférence à l'égard des autres ? Loin de là. Nous nous intéressons à toutes les cultures, pour les étudier, pour les évaluer, pour en tirer des inspirations, pour en voir les défauts et en tirer des avertissements. Et notre rapport ne va pas que dans le sens de ce que nous pouvons nous approprier de la connaissance des autres cultures, mais nous nous efforçons aussi de contribuer à leur progrès. Seulement, pour y parvenir, il faut déjà nous assurer de notre capacité de maintenir la nôtre vivante. C'est pourquoi nous préférons aider nos voisins à se perfectionner à leur tour, à trouver les moyens de vivre mieux chez eux, plutôt que de les inviter à venir s'installer chez nous, quitte à les laisser vivre à nos dépens et à notre détriment. Ceci dit, encore une fois, notre pays est loin d'être aussi fermé à toute immigration qu'on ne le prétend, et les étrangers ne manquent pas chez nous. Roland |